INITIATION AU SACERDOCE DU FA

Dans la pratique de la géomancie du Fa, il sert de trait d’union entre le visible et l’invisible, C’est le principal instrument de travail du devin appelé BOKONON, en langue béninoise FON et BABALAWO en YORUBA du Nigeria. Chez le Yoruba, le chapelet s’appelle OKPELE et semble signifié » appelle la terre » ou » le palmier de la terre » ou encore « grâce à la terre » selon la tonalité utilisée. Le Fon du Bénin, le désigne par AGOUNMAGAN du nom de l’arbre qui produit les fruits dont les coques entre dans sa fabrication.
Première étape : L’arbre
La destinée spirituelle de l’humanité, que lui cache le Ciel, chaque communauté humaine cherche à la connaître par les moyens qui sont à sa portée. Elle ne l’appréhende pas d’emblée mais s’en approche à chaque génération. Chez les peuples noirs, c’est le Fa qui permet de trouver des explications au phénomène de la vie. Dans cet oratoire sacré, sont recueillis les enseignements mystiques dispensés au cours de quarante et une cérémonies traditionnelles célébrées par des utilisateurs chevronnés de cet art divinatoire. Ils sont de tout espace et de tout le temps, ces prêtres assermentés du Fa appartenant à diverses obédiences initiatiques et philosophiques, qui se déguisent en compagnon, en proche parent, en portier, en guide, en maître ou en instructeur pour conduire le néophyte à sa prestigieuse destinée de célébrant, ou Babalawo, dans un monde en mutation. C’est l’occasion pour eux de promener une lumière neuve sur les auberges obscures du Ciel et de l’humanité.
Ici, une apologie extatique dite en partie par un prêtre, parent et conseiller de l’impétrant, actualise la nécessité de la démarche initiatique. Ses propos suggèrent qu’il n’y a pas de thèse possible devant le mystère d’une destinée ; celle de la peau noire est particulière et réserve des surprises aux théoriciens de l’Absolu. Le futur prêtre prend contact avec une famille spirituelle qui lui énonce son identité, son histoire et son avenir ouvert sur l’affirmation de sa condition humaine. Il se découvre sans indulgence, une personnalité au sein d’un corps en marche pour se construire une destinée loin des yeux profanes.
Deuxième étape : Le seuil
Le Portier vérifie les paniers d’offrandes du candidat. Les yeux bandés, le néophyte, accompagné de lui et de nombreux d’autres initiés, demande aux portes du Mystère de s’ouvrir. Un dialogue mi- clair mi- obscur s’entame entre l’extérieur et l’intérieur de la forêt sacrée. Une étincelle jaillit. Les yeux de l’esprit s’ouvrent. Le futur prêtre voit plus clairement le mystère qu’il avait pu auparavant entrevoir dans le cadre du rite d’admission au rang des adultes de sa communauté, le Fatitè.
Le Portier, comprenant son silence et sa vocation, l’encourage dans ses réflexions et lui prodigue des conseils inspirés des signes et des symboles du Fa.
Muni de ce viatique, le nouveau venu sort de la banalité humaine. Il franchit l’étape charnière qui lui permet de choisir entre le vulgaire et l’original. C’est à ce stade qu’il devient capable de faire le départ entre le visible et l’invisible, entre l’ombre des choses et la lumière spirituelle, entre le profane et lui-même, et cette démarche exige un certain courage. La conscience intime de cette singularité, plus que la simple maîtrise de soi, assoit un tribunal de raison dans la pensée du futur prêtre. Il s’approche d’une porte qui soudain le livre à son sort.
Troisième étape : La Porte
Dans une antichambre de la forêt sacrée, un guide, autre que le portier, se charge de planter le décor matériel et spirituel de la cérémonie. Le décor n’est simple qu’en apparence. Le vide, le néant, les objets ordinaires ou sacralisés, la lumière, les ombres, tout ce qui le compose, visible ou invisible, parle, signifie et cache. La Vérité occupe tout le décor. Elle le remplit. Elle participe à une dramaturgie à la fois obscure et lumineuse. La nature est là, silencieuse mais présente par tout ce qu’elle contient. L’homme, plus actif que jamais, passe et repasse avec les costumes de son mystère. La neutralité du lieu secret est accablante. Mais c’est à l’aide de son vide silencieux que le nouveau venu comprendra et expliquera les choses et les êtres.
Le guide simplifie l’imperceptible en apprenant à son compagnon que le message de ce décor ne s’aperçoit que par une méditation purifiée. La maîtrise des pulsions et des émotions constitue la marque de cette étape de l’initiation. Le futur prêtre apprend à voir au-delà des choses et des êtres.
Quatrième étape : L’Inconnu
Pas à pas, le guide amène son compagnon au pied de l’Arbre de la Connaissance et lui fait découvrir le Babalawo dans ses attributs de gardien du Secret. C’est pour le nouveau venu un avant-goût de sa destinée. Sa mission peut lui être périlleuse et fatale s’il oublie l’image squelettique du gardien de la Tradition, symbole du dénuement à quoi il aspirera tout au long de sa vie sacerdotale. Le guide se borne à éclairer le chemin singulier du passant. Il ne dévoile pas mais montre et démontre l’importance et l’universalité de ce vers quoi marche le néophyte.
La Connaissance est intenable. Seul l’ignorant se glorifie de l’avoir apprivoisée.
L’aboutissement de la démarche initiatique n’est pas qu’une relation intime avec la Tradition mais aussi, un nouveau retour à l’humanité, une autre ouverture des yeux sur le monde. Ici, le guide crée à l’intention du néophyte un univers contemplatif nécessaire à la concentration de ses énergies.Il lui fournit, avec prudence et délicatesse, des excitants spirituels en faisant miroiter le très vaste et très beau domaine de la Connaissance.
Cinquième étape : La Chute
Un maître, membre du collège des anciens prêtres, entre en scène. Son rôle est de laver le cerveau de son futur collègue, de l’affranchir au moral, de le mettre dans les dispositions d’un dénuement psychologique propre à le préparer à accepter la vérité contenue dans la Tradition dont il aura la garde. La compagnie du maître va conduire le postulant à renaître à une autre personnalité.
Le Maître s’emploie à lui faire faire le point sur lui-même, sur sa foi et les exigences de la vie. Il lui enlève ses idées préconçues en prenant l’histoire universelle à témoin.
La fin d’une œuvre qui commence ne se prévoit pas réellement mais peut rester dans les recherches, dans les réalisations, comme le leitmotiv d’un bon départ ou comme une lueur rassurante dans le choix consciencieux d’une voie. Il en est ainsi, dit le maître, des choses du Ciel et de ce monde. Cette incertitude de la fin doit conduire le chercheur à suivre son chemin, à se nourrir de la joie du travail sans considérer le but.
Sixième étape : Le Blasphème
Le maître défonce les couches millénaires d’une erreur tapie dans le quotidien du futur prêtre. Cette erreur s’appelle tantôt la peur, tantôt le péché, tantôt la punition, tantôt l’ignorance, tantôt l’incompréhension, tantôt la haine ; mais, sans doute, elle provient des humains et laisse des suspicions et des divisions dans leur cohabitation. Elle engendre aussi des climats spirituels appauvrissants et des comportements déshonorants. Le maître, pour avoir été à une école de sagesse, en parle avec conviction.
Le plus dure commence. Le néophyte entre dans le labyrinthe dont la fin illustre la damnation et le salut. Une profonde remise en question s’impose à lui. Qui détient la vérité s’il y a incompatibilité et mésentente entre les ténors de la vie spirituelle des communautés humaines ?
Comment s’assurer du chemin et du savoir dans ce climat d’incertitudes ? Que choisir, que faire pour avancer ?
A cette série de questions, le monde répond par la méchanceté ; Dieu par le silence.
Personne ne se hasarde à contester l’apparente impasse de la vraie connaissance des choses ni même à soutenir longtemps la véracité de ce qu’elle en pense. Quant aux chemins initiatiques, par la tolérance, ils maintiennent l’ouverture, réfutent les erreurs, préservent l’unité en permettant à leurs élus d’apprécier par eux-mêmes les valeurs intrinsèques et extrinsèques des mythes et des traditions, afin de sauvegarder l’originel et la vérité.
Septième étape : La Gifle
Le maître, sans détours pédagogiques, détruit l’espoir lointain, le futur inaccessible. Il pousse son disciple à revisiter son environnement mystique pollué par une espérance trompeuse et, sans se contredire, lui montre le chemin de la Religion. Le maître soutient sa vision en se fondant sur l’imposture manifeste que les faiseurs de mysticisme organisent autour de la Vérité. Il déplore sagement que la Chose de Dieu le Père soit utilisée à des fins temporelles et malheureuses. Il convie à une foi dans la réalisation de l’Homme, de la Vie, de l’Ordre et du Dessein.
Huitième étape : La Clef du Ciel
Le futur prêtre, presque seul, presque perdu, mais bien rempli de lui-même, se présente chez le Babalawo, le père du Secret. Ce dernier va lui faire découvrir le nœud gordien du vrai sens des choses en lui contant l’histoire de la Création.
Selon la tradition dont il détient le secret, tout ce qui est sur la terre, à savoir, le monde végétal, animal et humain, est le fruit des efforts conjugués de plusieurs Entités invisibles, dont principalement Bolu, Boyè et Botchè, des Dieux, des Génies qui ne se comparent à rien dans ce monde.
L’heure est à la consécration. Le candidat s’initie à l’élément matriciel de sa formation. Il découvre toute la littérature sacrée qui constitue l’œuvre archétypale dans laquelle se meut le savoir-faire des prêtres du Fa. C’est la clarté dont il se servira au cours de son ministère pour situer l’esprit des choses et les événements à leur place réelle. Il se rend compte de l’hermétisme profond de la Tradition du Fa. Ses yeux s’ouvrent sur des signes, des symboles et des langages qu’il utilise tous les jours sans connaître ce qu’ils cachent. Il voit la face rayonnante de la trinité divine qui lui permettra de rentrer dans l’Un, dans l’unité des mondes que son guide a annoncée et que le maître a survolée.
Neuvième étape : Le Temple Divin
L’Homme, en mille morceaux, beaux échantillons, de ses créateurs naît entouré des soins les plus méticuleux. Vie, Ordre, Intelligence, Amour, Parole … tout fut prévu pour concevoir le Dessein en lui ;
Bâtir un lieu unique d’adoration où le Ciel et les Créateurs peuvent se glorifier de leur magnifique œuvre, où l’Homme lui-même a la possibilité de développer des vertus et de s’élever en harmonie avec la divinité afin de vivre sur la terre l’expérience du Ciel.
La créature va grandir sous des grottes, au pied d’un palmier et au milieu des bêtes sauvages.
Dixième étape : La Volonté.
Pour donner aux créatures les moyens d’utiliser leurs forces, le Ciel leur envoie la Volonté, Celle-ci fit son effet mais n’arrache guère l’humanité à l’école des animaux sauvages, La volonté sème le besoin, la curiosité, la nécessité aussi bien. Elle provoque la course à l’extravagance dans un monde encore flatté par sa supériorité, sa victoire récente et ses possibilités illimitées.
Onzième étape : Le Travail.
La créature retourne ses premières armes contre elle-même. Le Ciel se dévoue. Les Créateurs envoient le pouvoir du Travail. Le seul palmier autour duquel les créatures exercent leurs forces fut abattu. Les données de la vie humaine changent. Elles ne seront plus simplement limitées aux fruits et à l’ombre du palmier. La créature mangera à la sueur de son front. La peur répandue aligne son cortège de tragédies à la fois douloureuses, tristes, pieuses, agressives, violentes et meurtrières.
Douzième étape : La Foi
Le pouvoir de la Foi greffe l’Espoir au Travail.
Maintenant, l’humanité peut se construire une espérance et mieux se tenir au milieu de la nature.
Le savoir-faire, la technique, la science aménagent autrement les forces de la créature mais n’éteignent guère les foyers de désolations, de jalousies, de haines, de crimes et de larmes douloureuses.
La culpabilité absorbe la conscience. Les morts et les frustrations éveillent la recherche d’une vie permanente et décente, Aussi naît une métaphysique de régénérescence de la quiétude primitive.
Treizième étape : L’Alliance
L’iniquité et l’inutilité éparpillent les forces de la créature. Le pouvoir de l’Alliance descend sur la terre.~ instaure dans le monde une nouvelle forme de liberté, de solidarité et de joie. Les engagements personnels et authentiques maintiennent la conscience fidèle à elle-même. Les unions, les pactes et les serments promeuvent une meilleure cohabitation. Mais la désobéissance, la trahison et l’ignorance activent les malversations et éliminent définitivement l’innocence des premières heures.
Quatorzième étape : Le Sacerdoce
Le pouvoir du Sacerdoce amène à la terre des considérations et des conceptions ordonnées et hiérarchisées. Des forces exemplaires se distinguent par leur appréhension des vœux du Ciel.
Dans le même temps, des voies plus larges de fanatisme et de contradictions aveugles s’ouvrent. Le bon et le méchant, le bien et le mal se mélangent et produisent de sombres rivalités.
Quinzième étape : La Purification
Le Ciel infatigable dans la recherche d’une solution adéquate aux désordres humains, envoie sur la terre le pouvoir de la Purification.
Cet Atchè a eu pour mission de laver les yeux de la créature pour qu’elle distingue mieux les voies de son salut.
L’eau du Ciel fait son œuvre, améliore l’éclosion des talents et accouche la tolérance, l’humilité et la noblesse dans des cœurs ouverts à la démesure et à la méchanceté. Une autre confusion naît. Elle a pour nom l’illusionnisme.
Seizième étape : La Lumière
Pour dissiper l’ignorance qui va s’épaississant sur la terre, le Ciel envoie un éclairage.
Le pouvoir de la Lumière balaie des nuages et permet à ceux qui veulent voir de s’apprécier comme le fruit des œuvres d’une bonté incommensurable.
A côté de cette reconnaissance, l’ignorance moule d’avantage la cupidité et commet le sort de l’humanité à une continuelle trahison de la confiance que le Ciel place en elle.
Dix-septième étape : La Liturgie
Les Habitants du Ciel se réunissent pour un bilan de leurs réalisations sur la terre.
Tous s’exaspèrent, s’indignent mais ne renient pas leur créature en mal d’une incompréhension de ses prérogatives.
Il faudra encore du temps pour que l’humain devienne le divin, pour que l’Homme ressemble totalement à son Dieu.
Dès lors, le Ciel se décide à aider sa créature à acquérir une destinée selon ses propres tendances et dans le strict respect de la Vie, de l’Ordre et du Dessein.
Dix-huitième étape : La Sagesse
La créature n’entend toujours pas les sentiments profonds du Ciel. Ses erreurs ne désarment pas ses Créateurs. Botchè, la Sagesse elle-même, suggère la formation comme une dernière solution et se résout à descendre sur la terre pour l’inculquer aux humains. Avec le FA, elle assiège le cœur de la créature. Sa loi comme une ombre accompagne les actes de la créature pour leur donner la récompense sévère ou encourageante, amère ou douce qu’ils méritent. Le Ciel fait cela dans le but de ne jamais nous refuser sa Miséricorde.
Dix-neuvième étape: Le Messager Gbé.
Avec les seize signes primitifs du FA, la Sagesse élabore pour la créature un plan d’éducation, de formation et de délivrance physique, spirituelle et psychique. Le premier signe primitif Gbé se révèle témoin du drame du palmier et galant d’une histoire dont.la créature s’accuse innocemment. Il l’encourage dans sa recherche d’une position personnelle face au duel permanent qu’il observe entre sa volonté et la nature, entre sa pensée et la réalité.Tout lui est donné mais tout ne lui est pas permis. Elle peut tout acquérir mais ne peut pas tout conquérir. Pour atteindre une meilleure destinée, la créature doit se clarifier cette vérité.
Vingtième étape : YEKU
Yèkou est le douloureux chemin de la culpabilité et de la peur. Il expose le destin comme un trophée de la repentance et de la correction des crimes perpétrés contre le Ciel. Sa visée est de réaménager, de modérer, de rendre moins affligeante la peur issue de la disparition du palmier. Il invite la créature à prendre conscience des limites que lui impose la peur. Celle-ci est, selon le sombre messager, l’idée la plus perfectionnée que la créature offre au Ciel pour la juger.
Vingt-unième étape : WOLI
Woli fait de l’Homme un Dieu, un Dieu non coupable, un Dieu pensant, agissant et formant. Il envisage cette fin comme un devoir fondé sur la nécessité de satisfaire la Vie, l’Ordre et le Dessein. Devoir, autant absolu que libre, qui ne doit avoir une autre motivation que lui-même. WOLI veut que la créature, à travers ses réalisations, soit un apprenti du Ciel et une source exemplaire d’inspiration pour sa postérité. Son mépris des valeurs morales est l’expression de son désir de voir la créature recouvrer les talents divins mis en lui au commencement. Il ressuscite le passé afin d’en faciliter la continuité. Avec Woli se tente des postulats. La fin spirituelle n’est pas un repos en soi. Identifier l’esprit à soi et conclure la paix au physique est une vaine consolation. On est spirituel par l’émotion profonde. Celle-ci ne peut pas à elle seule définir l’être et épuiser d’une manière définitive le fond de la démarche éternelle: se connaître et se construire. D’autres formes de vie plus simple, comme le travail manuel, peuvent satisfaire aux objectifs moraux, sociaux et spirituels du Dessein et, du reste, faire rayonner le Bien, le Beau et le Partage.
Vingt-deuxième étape : DI
DI situe la destinée dans la prise de conscience de notre état de créature. Il insinue que seul un apprentissage, une formation adhésive à nos comportements peut nous faire accepter notre vie sans des clins d’œil envieux à l’endroit du Ciel. Aussi enseigne-t-il qu’une éducation tombée toute faite du Ciel ne peut satisfaire entièrement nos aspirations que si nous nous acceptons comme un instrument possédant une connaissance de lui-même. DI explique mieux cela en disant que le sort de la créature ne peut pas se régler sans une reconsidération de sa nature. La Créature est libre de s’éloigner ou de se rapprocher du conventionnel salutaire que le Ciel lui propose mais ne peut pas le rejeter ou le refuser en demeurant ce qu’elle est: corps, sexe et merdes. DI voile son enseignement.
Vingt-troisième étape : LOSSO
LOSSO entretient la foi comme un principe essentiel et incontournable dans la vie de la créature. Il conçoit la foi comme étant le sel des réalisations quelles qu’elles soient, la magie du bon goût des actions, le coin de feu qui réchauffe le réalisateur par temps froid. Il vivifie la peur et l’utilise pour protéger et maintenir la foi dans léthargie et l’inertie chez le profane, dans la pensée et l’activité chez l’initié. Mais il ne laisse ni l’un ni l’autre libres dans leurs attitudes. Ce messager enseigne qu’avec la créature rien n’est assez parfaitement acquis sans sa contribution. La Foi ne pourra instaurer son règne divin que dans un univers propice et ambiant créé par la créature elle-même.
Vingt-quatrième étape : WINLIN
WINLIN se moque, plus sérieusement que les autres messagers, de la velléité des agissements humains. Il développe une philosophie absurde qui vide le sens ordinaire que le monde donne à ses actes. Il pousse nos réflexions jusqu’au sommet du spirituel et de la puissance psychique afin de nous faire concevoir une destinée à nos malheurs, souffrances et maladies. Il diagnostique et soulage nos multiples peines sous le regard malin, envieux et méchant de la stupidité, la nôtre hélas.
Vingt-cinquième étape : ABLA
ABLA est justice, amour et union. Il réalise les rêves de perpétuité en maintenant la Créature au centre de ses propres aspirations. La vie de toute chose dépend de la vie de son opposé. L’endroit dépend de l’envers. Le riche dépend du pauvre ; le bon, du mauvais. Le doute projette la certitude. La foi émet l’incrédulité. ABLA préconise une union libre des contraires apparents aux fins d’une harmonie créatrice.
Vingt-sixième étape : AKLAN
AKLAN nous apprend que la signification de toute chose est double. Il édifie, avec simplicité, les bases de la maîtrise de soi et de l’élévation matérielle et spirituelle. Il ôte à la créature toute idée de perte, d’échec et de désolation dans son combat pour satisfaire aux aspirations du Ciel. Il met une réflexion toujours plus élevée à l’avant-garde de l’action. Mais son plus beau rôle est de nous faire porter l’ombre de nous-mêmes dans nos recherches d’une destinée. Il nous fait porter nos aspirations comme un sacrifice adorable et agréable à nous-mêmes et au Ciel.
Vingt-septième étape : GUDA
GUDA préserve la Vie, l’Ordre et le Dessein de la ruine en activant la terreur par une promesse de destruction tragique et sanglante des œuvres impropres à la manifestation de la Vérité, du Bon et du Bien. Sa rage et sa fureur sont bienfaisantes. GUDA apprécie les recommencements constructifs avec une égale sagacité.
Vingt-huitième étape : SA
SA nous amène dans le monde de la ruse, ce à quoi nous nous abandonnons avant notre vraie destination, ou contre lequel nous luttons inlassablement à longueur de vie. C’est l’expression plus ou moins directe de ce qui, en nous, suggère à notre conscience l’avènement d’une rébellion contre l’Ordre. SA illustre le négatif, le fantasme, le fatalisme, le fanatisme, les formes de vie sombres que la créature oppose aux œuvres de la Sagesse. SA est le baromètre de la sérénité.
Vingt-neuvième étape : KA
KA rend la destruction effective quand le désordre est consommé, quand les avertissements n’ont pas produit d’effet. Cette déconvenue n’intervient pas pour une meilleure reprise. KA n’admet ni une remise en question, ni une circonscription des possibilités d’un rachat des étendues perdues, mais pour une plus sévère correction. Il fait comprendre l’ampleur des erreurs commises par le passé. Il procède au redressement consciencieux en faisant souffrir. Dans Ka s’organise le Salut.
Trentième étape : TRUKPIN
TRUKPIN vient comme un consolateur et accompagne la renaissance avec beaucoup d’égard pour la créature condamnée à l’oubli et à l’erreur. Parler de punition revient à ajouter d’autres peines aux souffrances causées par l’ignorance. Trukpin trouve, dans la repentance, la tolérance et le pardon, une science pour mieux former la créature à une cohabitation pacifique avec elle-même, avec son entourage immédiat et le Ciel. Trukpin considère la créature comme un enfant qu’il faut toujours tenir par la main afin de lui faire éviter des dangers.
Trente-unième étape : TULA
TULA symbolise la stupidité. Il conduit la créature à l’autel de l’adoration dans le but de la mettre dans un état apparemment passif mais propre à lui favoriser la réception des dons du Ciel. De là, de transformations en transformations, d’améliorations en améliorations, la stupidité croisera la Vérité. Tula se fait le prophète et l’assurance des lendemains meilleurs pour la créature. Sa stupidité n’étant qu’un lien nécessaire à la communication entre lui et la créature. Il confond la finalité de la vie humaine à la conception des contenus du Signifiant et enseigne que la réalisation est parole et la parole est réalisation. Du reste, en formulant la claire vision de l’essentiel, Tula conseille une adoration active pour, ne pas éloigner la créature de ses visions profondes intimement liées au corps et à l’esprit, à la matière et à la pensée.
Trente-deuxième étape : LETE
LETE règle les agissements de la créature. Selon lui, les actions humaines constituent une imitation et non une copie parfaite des œuvres du Ciel. Aussi la créature doit-il se perfectionner dans les limites de ce qui lui est appréciable et compréhensible. Il nous fait considérer notre perfection terrestre comme notre ultime destinée.
Trente-troisième étape: TCHE
Pour TCHE, le salut individuel est un leurre. Il manque de sens. Pour que la créature apprécie la qualité de sa place dans l’univers, il lui faut se considérer comme partie intégrante d’un ensemble vitalisant par son besoin d’échange et de partage. Le groupe préserve l’individu des errances et des déboires inhérents à sa nature nécessiteuse. Il programme un monde ou la conscience personnelle se dissout dans la collective.L’adhésion physique et psychologique au groupe constitue un signe du salut que prône Tchè.
Trente-quatrième étape : FU
FU se fait rassembleur des grâces et détenteur de la clef du mystère qui les recouvre. Il veut que ce qui est caché suscite une saine curiosité pour être découvert. Il appuie le secret et stipule que celui-ci ne se partage qu’avec celui qui s’abandonne sans se soumettre. Il se revête de la garantie que les autres Messagers attendent de la créature pour la lancer dans la jouissance des beautés infinies du Ciel.
Trente-cinquième étape : La Révélation
La loi est écrite. Le sort est jeté. La Sagesse a achevé sa construction. Dans le cœur de la créature, assez d’aménagements ont été prévus pour faciliter la circulation des dons, assouplir la liberté et, conséquemment, donner de couches somptueuses à la Vie, à l’Ordre et au Dessein. Maintenant la créature a grandi. Tout lui a été donné. La lumière et l’obscurité peuvent naître en elle, simultanément, séparément ou ensemble comme des jumeaux siamois. Elle peut faire ses choix et assumer ses responsabilités. Du hasard et du chaos, elle engendrera des gloires tumultueuses et accidentelles, lumineuses et ténébreuses, durables et éphémères.
Trente-sixième étape : La Mission
L’initiation se poursuit et s’approfondit de plus en plus. Les offrandes et les sacrifices ont été exaucés. Après le bain de purification, le nouveau Prêtre est admis au salon de la Sagesse. Le plus ancien du collège des sages, presque au terme de sa vie, reçoit la visite du nouveau prêtre. Le vieux doyen n’attendait que cette occasion pour passer le témoin. De l’invisible, du commun et du singulier, il a tiré une distinction à transmettre à la postérité. Vivant ou mort, c’est uniquement à ce sujet qu’il enseignera ou inspirera son dernier disciple. Dans les couvents, c’est ainsi que l’ancien survit dans le nouveau, de génération en génération. Le sage se révèle être le « cerveau» de l’initiation. N’est-il pas celui qui a planifié la cérémonie et en a instruit les participants, ses jeunes collègues? Il nous amène à la source de la sagesse qui sous-tend tout ce qui s’est passé au cours de cette initiation. Avec le sage nous arrivons au sommet de la réalisation morale et au terme d’une démarche dont l’objectif est de responsabiliser un être humain par rapport à la pensée directrice de sa communauté. Mais, au-delà du micro monde de la philosophie initiatique, le prêtre découvre enfin le secret et toutes les velléités accidentelles qui entourent l’édification de la destinée spirituelle de l’humanité toute entière. Il reçoit aussi des forces et des moyens pour apporter sa contribution au parachèvement de l’œuvre de ses ancêtres. Au nouveau Prête, le sage précise les fondements de la Tradition Primordiale et lui prodigue des conseils d’humilité, de respect du secret, de tolérance, d’union et de solidarité.
Trente-septième étape : La Science Suprême
Le sage, peu à peu, dévoile les motivations et les précautions à observer pour une continuité efficace de la Tradition primordiale. Cet héritage, ultime réponse de la collectivité à la quête d’une destinée spirituelle, est au service de Dieu, c’est-à-dire, de l’Unité et de la Vérité. Il devra, avec son nouveau missionnaire et en secret, rentrer dans une phase plus dynamique afin de mieux transformer la souffrance et la misère et aider à l’avènement d’un bonheur partagé, d’un pacifisme équilibrant et épanouissant. Pour le nouveau venu, il n’y a plus de choix possible. Dans cette traversée du désert, il jouera un rôle d’éclaireur et non de despote, de maître et non d’amuseur, de spirituel et non de temporel. Par lui, le souffle moral, social et spirituel de la Tradition se distinguera à travers le monde.
Trente-huitième étape : Le Mythe et Mystère
L’invisible est aussi préoccupé par le sort des enfants du FA qui, si près de la lumière, ne voient pas. De l’au-delà, le sage rapporte une vision assez édifiante pour encourager le missionnaire dans sa tâche difficile et périlleuse mais exaltante. S’il puise ses forces dans un credo traditionnel et universel, la nature de sa mission lui sera plus réconfortante. Le sage instructeur a aussi un maître invisible qui n’est autre que celui qui lui avait montré sa mission. Aujourd’hui ce maître lui fait ce que lui-même demain fera dans l’ombre pour le nouveau prêtre. Le sort de la Tradition se trouve dans ce passe main et dans l’assimilation qu’en font ses utilisateurs, de génération en génération.
Trente-neuvième étape : La Nuit et le Secret
Bientôt, d’autres arcanes vont s’ouvrir. Le nouveau venu aura accès à d’autres connaissances aussi merveilleuses que dangereuses, aussi édifiantes que trompeuses. Il va apprendre à confectionner des objets sacrés. Déconvenues et imprévisibles sont en alerte. A ce moment crucial, le sage sollicite l’assistance et la protection des Dieux. Il utilise l’Ofo, le Verbe Sacré du FA dans son contexte de piété et d’harmonisation de l’invisible et du visible en vue d’obtenir la faveur du Ciel. Afin de mieux se faire comprendre, le prêtre se dédouble et rend plus faciles ses relations avec les autres. Il fait cela en imitation des signes du FA qui ne sont accessibles à l’intelligence que quand ils sont jumelés. Le sage essaie d’assouplir le contenu spirituel très dense des arcanes primitifs en vue de former son disciple à la pratique d’une communication plus simple et plus sensible. Il lui apprend ainsi l’usage de l’Oguédé, la parole de la Parole, le verbe du Verbe. Dans une conversation fournie avec l’invisible et une réflexion remplie de commisération à l’endroit du profane, le sage s’assure de la nécessité de son enseignement et élève sa qualité à une dimension divine et insondable: il initie son disciple à la sorcellerie en lui contant d’abord l’épreuve que lui-même avait subie.
Quarantième étape : Le Parchemin
L’initiation s’achève. Le sage va prendre congé de son compagnon de dernière heure. Ses hommages et louanges s’élèvent et éclairent son enseignement d’un jour nouveau. L’invisible, comme dans un écho loin du prêtre et proche du sage, déploie des sublimités. Avec joie et sérénité, le Maître prépare la coupe dans laquelle il continuera de boire, la donne à son élève et tire ses révérences. De l’ancien, quelque chose de nouveau vient de naître. Ce monde dérisoire et terrible exige qu’on choisisse des chemins difficiles pour s’affirmer. Le FA vient de le faire. Il vient d’enfoncer le clou, le sien, par la bouche un peu trop prolixe d’un vieillard dont le jour se lève tandis que la nuit de son dernier compagnon commence.
Quarante-unième étape : Oracle, Feuille et Sacrifice
Le nouveau prêtre libéré, s’accoutumera peu à peu aux visites quotidiennes que la Sagesse rend à ses pensées. Resté seul avec son Vodé (sacoche contenant. des objets sacrés), il adaptera son verbe et son comportement aux messages codés du mystère et du secret tout en rendant actifs pour ses interlocuteurs profanes les enseignements de la Vie, de l’Ordre et du Dessein. Ses visions, actes et propos serviront de véhicule aux aspirations profondes de ses instructeurs et aux Vœux du Ciel. D’une intégration, en rapport avec le temps et l’espace, il établit, entre sa conscience et les réalités de la vie, un pacte d’élévation savante du caractère subtil des choses et des êtres. Comme ses pairs, il couvre son enseignement d’un mystère salutaire pour tous ceux qui l’approchent. Ce sont les 256 signes du FA qui lui facilitent ce pacte intérieur, vecteur de sa prescience, de sa puissance et de ses capacités. Chaque jour, il perfectionne ses connaissances au contact de celles des autres, profanes et initiés qu’il côtoie, consulte, conseille et accompagne dans des recherches. Cette pérégrination sans fin améliore la qualité de ses prestations et lui permet d’accomplir discrètement sa mission. Mais pour affermir sa foi et s’assurer de sa maîtrise de la tradition sacrée, il lui faut de temps en temps subir l’épreuve du dénouement des 256 Nœuds de la Peine de Vie. Cette épreuve couronne chaque étape de la vie sacerdotale et se fait plusieurs fois avant la dernière initiation, celle décisive qui inscrit le nom du prêtre dans les annales de l’histoire de sa communauté.
Au bout de sept jours de rites et cérémonies, le prêtre s’installe au milieu d’un cercle tracé devant une foule d’initiés qui, au moins une fois, ont déjà connu le même baptême de feu. Le cercle est appelé Ilé Ogboni. Là, assis majestueusement sur le trône Akpoti-joko-Babalawo, il est tenu de répondre à 256 préoccupations émanant de l’actualité ésotérique et formulées dans des questionnaires préétablis selon des critères bien définis par le Conseil des Sages. Les questions ne sont pas toujours les mêmes. Elles se nuancent et changent au fil des ans. La tâche lui est facilitée par ses expériences et les divers enseignements qu’il a reçus de ses formateurs. Mais l’indifférence de l’assemblée pour les réponses qu’il donne aux questions posées, est comme une accusation muette contre laquelle, resté seul, il préparera un plaidoyer. Ses réponses ne formant qu’une direction prise parmi tant d’autres qui se bousculent dans sa conscience depuis le jour où tout lui a été révélé. Ainsi s’initie-t-il lui-même au vide de l’âme, à la solitude du cœur, à l’abîme des peines, à l’inconséquence de sa mission, à un amas de vides à remplir coûte que coûte. De plain-pied, il rentre dans la nuit des terribles cauchemars du silence des êtres, des choses, des signes et des symboles, une nuit angoissante qui oblige tout missionnaire mystique à avoir une lanterne.
A la fin, comme dans toute opération divinatoire, l’Iyèrosun (une poudre sacrée) se verse sur le sacrifice, le Prêtre annonce la clôture des cérémonies. Tous ses auditeurs s’empressent de lui faire des dons. Vœux et bénédictions achèvent leurs gestes.
Le Livre se referme. Le Fa retourne au Ciel. Les signes, les symboles, les objets sacralisés, continuent leur vie silencieuse dans le néant du Vodé. L’univers attend une nouvelle ouverture des arcanes pour libérer un autre pan du Secret. Le Devin s’en va dormir dans les bras de l’Amour du Ciel, l’Amour Incommensurable qu’il voit agir tous les jours, au moment où il absout nos méchancetés, nos haines, nos jalousies. Non, il ne dort pas. Il veille en révisant ses leçons car, la Table, Okpon Ifa, débarrassée de la Toile, Oyè ou Iyèrosun, est restée en lui et renvoie à ses rêves les formes trépidantes du silence de la nature.
Ces formes sont au nombre de 16 (seize) dans chacun des trois plans de l’ésotérisme du FA. Elles constituent la boussole parlante que le Babalawo consulte dans ses recherches.
Au plan humain et social, des signes planifient les comportements individuels et collectifs.
Au plan moral et spirituel, les symboles les codifient et les harmonisent.
Au plan noétique et divin, des figures géométriques et des chiffres déterminent la qualité et la performance de l’esprit qui les observe.
Au fait, ces signes, symboles, figures et chiffres condensent toutes les données pratiques du Fa et ne se prêtent pas aux étalages profanes.
Oracle ou Arcane, chaque signe dévoile, éclaire, conseille, guide en parlant du passé, du présent et du futur.
Maison, chaque chiffre propose une référence originelle que la sagesse, la raison et la vérité sèment dans le cœur des Anciens. C’est que toujours, avant ou après le sage, le Fa constitue un langage artificiel supposant l’existence d’une réalité plus concrète que les objets sacrés et permettant une vue la plus large possible sur la vie.
Le FA est aussi Feuille. La Nature la plus proche de nous.
Feuille, il nous amène dans un couvent où la fraîcheur de la nature et l’effervescence du verbe soulagent les souffrances du corps et de l’esprit.
Il reste une mémoire collective à laquelle le Prêtre du FA recourt pour consulter, poser les diagnostiques et fixer des traitements énergétiques tout en préparant le corps et l’esprit à l’entame du bonheur et du salut.
Le FA est aussi Sacrifice. En tant que tel, il nous apprend IFA (mot yoruba) l’attrait, l’attirance, le pourquoi de tous les jours, le champ magnétique installé par le Ciel pour amener à lui les dieux désincarnés car, n’en doutons point, l’homme n’est pas que corps et esprit, il est aussi âme et dieu. Ses instabilités et ses malheurs proviennent du désaccord des différents sons produits par les nombreux tambours de son être. Perdu, il est souvent seul. Sauvé, il ne l’est jamais sans la main du Ciel. Le sacrifice du FA allège la vie du poids de l’inutile, du superflu, de la spéculation, la libère, ouvre et lui balaie le chemin de l’âme et du divin.
Source: La Fagologie du Professeur Théodore Adédiran Kouyami