Te nourrir d’espoir sans agir est hypocrite
Te dire que je comprends ta douleur serait une ironie
La vie que tu mènes n’est pas celle que tu mérites
J’ai pensé à parler en ton nom aujourd’hui
J’ai beaucoup à te dire, j’aimerais que ce message t’atteigne
Que tu saches que quelque part tu as des aînés qui, sans te connaître, t’aiment
Tu nous en veux et tu as totalement raison
Nous sommes égoïstes et refusons nos responsabilités
Nous occuper du futur africain au présent
En t’assurant éducation, bien-être et bonne santé
Nos propos ne peuvent t’atteindre tant que tu meurs de faim
Autant tu hais notre silence complice et les politiciens aux discours creux
Autant nous haïssons parler en vain
Et ne pas accompagner les paroles de gestes concrets, faire comme eux
Comme ceux qui te promettent paix après avoir assisté au massacre de tes parents
T’illusionnent pendant que tu n’as rien à te mettre sous la dent
Te demandent de garder ton sang froid dans ce monde si chaud et violent
Parce qu’ils ignorent que tu te bats pour rester vivant
Je sais que tu as de la rancune envers ce monde
A qui tu n’as pas demandé de venir mais qui veut décider de ta destinée
T’enlever le sourire et t’appeler à faire le démon
Prendre les armes, faire comme les vicieux que tu as trouvés
Parce que tu es persuadé que tu n’as pas le choix
Désespéré et sans solutions convaincantes à l’horizon
Tu as l’impression que le ciel s’abat sur toi
Et que tout le monde autour de toi perd la raison
Des points d’interrogations se multiplient dans ton cerveau
Sans réponses tu finis par être tourmenté
Pourquoi pour des intérêts ils veulent que chez moi soit comme au Kosovo ?
Et pourquoi ceux qui prétendent aimer l’Afrique se laissent envouter ?
Pourquoi moi ? Pourquoi moi ?
Pourquoi c’est moi qui ai dû être spectateur de scènes si horribles
Qui marqueront toute mon enfance si je peux prétendre en avoir
N’ai-je pas le droit de vivre une vie heureuse et paisible ?
Ils ont violé ma sœur, ma mère et tué mon père
Ont brûlé ma maison et m’ont roué de coups
M’ont donné une arme, ont dit que désormais je devenais rebelle
Ai-je demandé de naître au Darfour ou au Kivu ?
D’autres ont des cauchemars pendant qu’ils dorment, moi, je les vis et les ai vécus
Et rien à l’horizon ne me prouve que j’en aie assez vu
D’autres enfants ont des rêves, espèrent les réaliser
Devenir avocat, docteur, ingénieur ou banquier
Moi, si j’ai les mêmes, mon subconscient dit : «Utopie ! Regardes où tu es »
File indienne pour de la bouillie, voilà de quoi mon quotidien est constitué
Les conditions dans lesquelles je suis, m’empêchent d’être ambitieux
Seule ma mère me répète : « Un jour, tout ira mieux »
J’ai la foi et la patience, mais par où commencer ?
Je prends la peine de réfléchir, mais ce milieu m’empêche de penser
Vais-je passer toute ma vie dans un camp ?
A Buduburam, à Dadaab, Kanyaruchinya ou à Dzaleka
Dépendre de l’UNHCR et la croix Rouge jusqu’à quand ?
N’y a-t-il pas des africains généreux pour me faire oublier ça ?
Des « adultes » ont détruit mon enfance et les autres adultes ne disent rien
Ils me voient à la télévision, font une minute de pitié puis passe
Tant que leurs enfants ont à manger et vont à l’école, tout va bien
Je suis seul en face de ce scandale, cette impasse
Pour vous, je ne suis qu’un enfant affamé, soldat ou réfugié
Supposé vivre d’aides humanitaires et grâce aux ONG
Dépendant de la bonne foi de certains hommes d’affaire et musiciens
Bercés par des dédicaces de la part de certains politiciens
Je ne suis qu’un enfant, grand-frère et grande sœur
J’ai le droit à l’éducation, à la paix, à manger et à l’eau potable
Aidez-moi s’il vous plaît, effacez mes tracas et séchez mes pleurs
Pour un enfant, j’encaisse trop de cette vie misérable
Je ne demande pas de pouvoir voyager tous les étés
Ni avoir, tous les Noël, un jeu vidéo comme cadeau
Ma demande est très simple et limitée
Juste aller à l’école, avoir de quoi manger et un verre d’eau
Je n’ai peut-être plus de famille, mais je sais que vous êtes là
Africains, de bonne volonté et sensibles à mes problèmes
Nous sommes tous un, mes aînés d’Afrika
Juste un mot, un geste si vous comprenez ma peine.
Auteur de ce poème : Florian Amaru Kemite