La conscience de soi n’est pas d’emblée parfaite ni statique. Elle se manifeste d’abord sous forme de « vécu » fluctuant comme la flamme d’un lampe tempête dans le vent. Naissante, la conscience de soi est tremblotante et angoissée par la menace de s’éteindre. Elle n’existe que dans l’action, préoccupée par la volonté de se défendre. C’est la volonté d’assurer sa perpétuation qui pousse la conscience de soi dans la Lutte pour la vie nourrie par l’angoisse de mort. La sublimation est un moment crucial pour la volonté d’arracher son essence dont le reflet est la conscience de soi aux vicissitudes du monde.
Le champ de la métaphore où l’être en quête de l’abri inexpugnable, déplace la lutte pour la vie, est le lieu du « faire comme si ». Ici, c’est en faisant semblant et non pas en renonçant pour de bon, comme l’anachorète, que l’impétrant cherche à avoir le contrôle de ses pulsions et à les structurer en vue de conférer une forme sublimée à son être physique. Le « beau-reste » qui résulte de cette activité est la représentation symbolique à travers laquelle l’artiste-créateur appréhende son essence par l’intuition.
Mais rien n’arrête la fureur dévorante du prédateur qui poursuit ses proies jusque dans le « ciel de la culture ». Que de créateurs basculent dans le désespoir et dans l’aliénation, alors qu’ils croyaient entrer enfin dans le havre de la conscience de soi, en fuyant la tempête en haute mer.
Exposées au vol et au plagiat, les créations artistiques ne protègent pas le génie de l’impuissance à défendre ses beau-restes supports de son essence. Et c’est en luttant encore contre le vécu de castration, voire de nullité de son être, qu’il survit.
Tel est le fondement du phénomène de l’aliénation qui répand et impose l’illusion selon laquelle le « je » n’est rien et que la conscience de soi est une coquille vide. Une luciole au-dessus du « Trou universel ».
Mais en tirant les leçons de notre propre « voyage initiatique », nous nous autorisons à affirmer qu’il n’en est rien. Que l’essence du moi créateur existe dans l’éternité. Que la conscience de soi et la confiance en soi dans la foi profonde s’identifient.
La périssabilité des supports matériels (beaux-restes) n’entraine pas ipso facto la nullité de l’essence du moi. Pour le créateur authentique vaine est la fureur de l’Autre à anéantir les essences éternelles.