La vie des derniers hommes sous-titré « Le récit de l’humanité disparue », en dit assez long sur le projet central d’écriture qui est le mien, lequel se fonde sur ce constat majeur :l’humanité d’aujourd’hui porte plus que jamais les germes matures de sa propre destruction. En effet, l’instinct de décadence est pleinement actif dans notre société du XXIème siècle, et pour mieux l’appréhender, il faut remonter aux siècles précédents et pourquoi pas, si nécessaire, aux sources de la vie cosmique tel que je le propose.
Cet opuscule, spécialement dédié à un petit nombre, aura la portée conceptuelle, littéraire et didactique suivante :d’emblée il se veut historique, l’histoire de la seule vérité étant une notion contradictoire. Il s’alimentera à souhait de fictions métaphysiques à l’instar de cette généreuse cosmogénèse novatrice. Nonobstant la présence de l’imaginaire, ce texte se veut malgré tout ponctuel ou d’actualité, car l’odyssée de la conscience humaine collective qu’il s’efforce de retracer succinctement ne se borne pas aux siècles les plus reculés. Il met à nu la vie humaine telle qu’elle est, c’est-à-dire une recette fort à déplorer. Certes, ce texte appartient au grand discours décadentiste, à la seule différence que cette lecture n’est pas une tendance naturelle au pessimisme ou une mauvaise humeur. « Pourquoi ? », me demanderez-vous certainement. Eh bien, c’est qu’il y a de la décadence dans la société humaine mais cela n’a pas toujours été le cas. La déconstruction ou l’analyse nous édifiera davantage à ce propos, mettant en facteur les éléments organiques de la société qui en constituent la clé de voûte.
L’ultime caractéristique de ce récit obéit à une visée purement zarathoustrienne. En effet, sous la dictée de ce personnage conceptuel rénové, par la voix éternelle du prophète Zarathoustra, héros millénaire, l’on s’emploie à peindre la vie des derniers hommes, à mettre en scène le cinquième acte: le dernier tableau apocalyptique, tout fondement de la vie ayant été sapé. Ladite prophétie d’essence eschatologique se fondera loin des cadres traditionnels, autrement dit d’inspiration divine ou encore transcendantale, pour adopter un langage prosaïque religieux. Elle se veut bien au contraire, conséquence logique née de la marche discordante dela civilisation humaine. Ce serait beaucoup trop facile pour « notre malheureux globe » – pour reprendre une formule voltairienne -,de disparaître à la faveur d’un événement fortuit (comme la rencontre d’une malheureuse comète) ou à la suite d’un cataclysme à l’échelle planétaire. Je pense que le danger ne sera pas lointain, le ver étant déjà dans le fruit. Et ce danger, j’en suis persuadé, est inhérent au fonctionnement anarchique et chaotique de l’humain.
Le lecteur sera moins en proie aux difficultés du style et de la forme s’il prend en compte le fait que le texte est traversé par trois grands souffles ou voix, et peut-être quatre: celle de l’auteur, de Zarathoustra, de Dionysos… Les trois premiers forment la sainte trinité [1]…
Voici qu’en plein cœur du printemps je jette une bouteille à la mer. L’humanité saura-t-elle se ressaisir et changer de cap? Non, hélas !, je ne le sais que trop pertinemment ! À quoi bon alors écrire ? À témoigner… Écrire c’est faire écho, c’est percer le passé, saisir le présent, se projeter vers l’avenir. Écrire, c’est prophétiser.
Ecrit par Albert Aoussine