Mboté à tous,
Il y a quelques jours, j’ai acheté le magazine Égypte ancienne. J’étais curieux de connaitre leur conclusion à la question:
» l’Égypte antique était-elle une civilisation noire ? « .
Avant d’aller plus loin, j’aimerai que l’on me dise qu’est-ce qu’ une civilisation noire ? On ne parle pas de civilisation blanche, ni de civilisation jaune, ou de civilisation rouge. On réduit très rarement, pour ne pas dire jamais, les autres peuples à une couleur, cela s’applique exclusivement, étrangement, aux Africains.
Pour ma part, parler de civilisation noire est une aberration…et souligne une volonté, bien qu’implicite mais perceptible, d’emprisonner, de réduire les Africains et les Afro-descendants, qui sont aussi humains – je sais que beaucoup ont tendance à l’oublier – dans une couleur, un monde, une réalité noire. C’est un piège intellectuel, je dirais même un piège existentiel sinon métaphysique.
Le poète Aimé Césaire avait compris ce piège, c’est en cela qu’il déclara, je suppose, » noire est une couleur, nègre une race « . Il était important pour Césaire, chantre de la négritude, de dissocier et ne surtout pas amalgamer, la couleur noire et la race nègre.
Dans le paradigme occidental la couleur noire renvoie à tout ce qui est mauvais, négatif, vil et immoral.
Par exemple :
– un marché noir
– le travail au noir
– les idées noires
– un regard noir
– la magie noire
– voir les choses en noir
– broyer du noir etc.
Sans oublier que le noir symbolise également les ténèbres, l’obscurité, le Diable.
» Il semble que noir signifie échec depuis toujours » Mr Tolson (Denzel Washington) in The great Debaters.
Aussi, se définir par le terme noir, c’est s’identifier inconsciemment à quelque chose de négative. Pour le philosophe Bassidiki Coulibaly » les Noirs sont les locataires désespérés d’une prison identitaire. »
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Ne vous êtes vous jamais demandés pourquoi beaucoup d’Européens disent « une femme black » plutôt qu’une femme noire ou un « black » plutôt qu’un homme noir ? Et pourtant, on ne dit pas un homme white ou une femme white…Ce n’est pas parce que c’est plus cool, cela n’a rien à voir avec une quelconque « coolitude ». C’est tout simplement parce que black sonne moins péjoratif que noir. Dans l’inconscient collectif l’homme noir est un sous homme, un sauvage, un ancien esclave, et de facto, il est inférieur à l’homme blanc, porteur de lumière et de civilisation !
Pendant 3 années durant, j’ai travaillé dans deux lycées professionnels. Il faut savoir qu’en France les lycées professionnels sont fréquentés principalement par des jeunes issus des banlieues, ces lieux où la précarité et la pauvreté, donc la délinquance, règnent en maitres.
Il m’arrivait très souvent de discuter avec eux de l’histoire de l’Afrique, et j’étais consterné de découvrir à quel point ces jeunes, ces enfants, se dénigraient et méprisaient inconsciemment l’homme noir dont ils affirment, naïvement, être moins intelligent que l’homme blanc. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle, me disaient certains, que les lycées généraux sont fréquentés majoritairement par des » Blancs ».
Ces jeunes connaissent peu d’hommes et f’âmes noirs ayant excellés dans d’autres domaines que le sport, la musique ou la danse, si bien qu’ ils étaient surpris et choqués de découvrir l’apport des Africains ou des hommes noirs dans l’essor de l’humanité.
Par exemple, ils étaient stupéfaits que Esope, l’homme qui inventa la fable comme genre littéraire et inspira Les fables de la Fontaine, était d’origine éthiopienne, africaine ( Cf. On doit les fables de la Fontaine à un Africain.)
Donc selon ce magazine, les anciens Égyptiens étaient de la « race brune », une race distincte de la race noire. Non mais allo, allo quoi lol ! Sérieusement, c’est quoi la race brune ? Où sont les descendants de cette « race brune » ?
Liya Kebede et Waris Dirie, deux femmes africaines. Race brune ?
« … lorsque ayant été visiter le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette tête caractérisée nègre dans tous ses traits, je me rappelai ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit : Pour moi j’estime que les Colches sont une colonie des Égyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus, c’est-à-dire que les anciens Égyptiens étaient de vrais Nègres de l’espèce de tous les naturels d’Afrique » Volney, Voyage en Syrie et en Égypte.
Femmes égyptiennes. Race brune ?
Hommes égyptiens. Race brune ?
Si les Égyptiens étaient de la « race brune » ou « rouge sombre », alors les Suédois sont de la race « rose très pale », les Italiens de la race « beige », et les Français de la race « rose pale ». Cela est tout simplement insensé, absurde.
Il n’existe pas réellement de race blanche pas plus que de race noire, et encore moins de race brune, ou pire, des races jaune et rouge.
Dans son Parerga & Paralipomena, le philosophe Allemand Schopenhauer, affirme sans ambages :
Schopenhauer
» il n’y a jamais eu de race naturellement blanche. Parler d’une telle race et partager puérilement les hommes en race blanche, jaune et noire, comme le font encore tous les livres, c’est témoigner d’une grande étroitesse d’esprit et d’un manque de réflexion. »
Concernant la race dite noire, le savant Cheick Anta Diop précise :
» Il n’existe pas de noir dans le sens strict du terme. La couleur du Nègre tire en réalité sur le brun sans qu’on puisse lui appliquer un qualificatif exact, d’autant plus qu’elle subit des nuances suivant les régions « (1)
Voici plusieurs nuances du teint noir. Peintures de Larry Poncho Brown.
On a tant ressassé que l’Afrique était un continent anhistorique, que les Africains étaient des sauvages si bien que beaucoup des chercheurs occidentaux, et même malgré leur bonne foi, récusent l’idée que les Noirs aient pu bâtir des grandes civilisations.
Or, » l’idée du « Nègre barbare » est une invention européenne » Léon Frobenius, archéologue allemand.
On est admiratif devant le génie des Égyptiens ou des Sumériens mais reconnaître que ceux-ci avaient la peau noire posent problème ; car, nous sommes encore hantés par la stupide croyance de « la supériorité de la race blanche ».
L’on me rétorquera : » Les Sumériens étaient Sémites et non Noirs » .
Oui, peut être, mais ce n’est pas moi qui le dit. Le Dr Alfred Bloch dans De la race qui précéda les Sémites en Chaldée et en Susiane, affirme que les Sumériens étaient de la race noire…et non de la race nègre.
Race noire, race nègre, quelle est la différence ?
Dans son History of Herodus, Sir Henry Rawlison nous apprends que :
» Les découvertes linguistiques démontrent la présence d’une race Koushite ou Éthiopienne émigrant dans le temps anciens de l’Éthiopie vers l’Inde; l’Inde était habité par ce peuple noir avant l’arrivée des Aryens ; les villes du Golfe Persique étaient occupées exclusivement par ces Éthiopiens comme le prouvent les inscriptions trouvées sur les briques avant d’être vaincu par les Aryens à Suez ( Iran) et les Sémites à Babylone » (2)
Divinités sumériennes
Du même avis, le sumérologue Anton Parks précise :
» l’homme à la peau noire est le premier du genre Homo[…] l’Africain n’est pas seulement le premier à avoir travaillé pour les « dieux » mésopotamiens, mais il est aussi le premier d’une très longue série de rois prestigieux « (3)
Lorsque les dieux sumériens créèrent l’homme à leur image, ils le nommèrent « Sag’giga » que l’on traduit communément par les « têtes noirs ». Mais selon Anton Parks » le choix du terme « tête » est pleinement arbitraire. Il serait logique de traduire Sag’giga en » les hommes (ou esclaves) noirs « .(4)
Aussi, à la question » l’Égypte antique était-elle une civilisation noire ? », je réponds non, elle ne l’était pas. L’Égypte antique était une civilisation negro-africaine car les civilisations noires n’existent pas, pas plus que les civilisations blanches ou jaunes.
Il nous faudra libérer, délivrer les « Blancs » du complexe de supériorité, et les « Noirs », de celui d’infériorité.
Une nouvelle humanité est en marche, et je suis convaincu que dans celle-ci on transcendera le problème racial, un faux problème car biologiquement – les races n’existent pas.
L’ancien paradigme – matérialiste – s’effondre, une nouvelle vision du monde émerge. La science est entrain de rejoindre les traditions spirituelles du monde, de cette réconciliation aboutira, sans aucun doute, une humanité nouvelle. Une humanité sans couleur.
Je suis parce que nous sommes
Béni Nsemi
************Koyeba.blogspot.com
Bibliographie :
– (1) Cheick Anta Diop, Nation Nègre et culture, pages 61
– (2) N’Pienikoua Boni Marcus Teiga, La Nubie et les origines des peuples d’Afrique, pages 41
– (3),(4) www.antonparks.com/main.php?page=inter_humanit